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Writer's pictureValentin Waterlot

QUAND LES ENTREPRISES SONT PRÊTES À TOUT POUR RECRUTER



Les candidats se méfient des annonces trop généralistes et demandent aux entreprises des preuves au lieu de promesses. Ils peuvent se permettre d’être exigeants, car l’économie manque de bras.


Chez Familienversicherung, une entreprise de technologie allemande, les candidats sont payés 500 euros rien que pour venir à un entretien d’embauche. Rester pendant les six mois de la période d’essai vous rapportera 5 000 euros. Ils sont fous, ces Allemands ? Alors, les Français et les Américains aussi.


En France, il suffit d’envoyer son CV au cabinet de recrutement parisien Lynks Partner pour participer à une loterie et espérer gagner 100 000 euros. Chez Goldman Sachs, la banque de Wall Street, on promet aux associés et aux directeurs généraux des vacances illimitées. Au sein de la branche australienne d’EY, tous les employés bénéficient chaque année d’un mois et demi à trois mois de « congés de vie » pour voyager ou simplement « couper » avec le travail.


Recrutements à tour de bras


Les entreprises sont prêtes à tout. Ici, on autorise le télétravail à plein temps. Ailleurs,

on supprime la période d’essai. Bref, c’est la guerre... des talents, et les employeurs

ne savent plus quoi inventer pour attirer les candidats. Il faut dire qu’ils recrutent à tour

de bras.


Au premier semestre 2022, 4,2 millions d’offres d’emploi ont été publiées sur le site

français HelloWork, soit une augmentation de 104 % par rapport au premier semestre

2021. Le volume d’offres dépasse même celui d’avant le Covid. Le 17 juin dernier, il y

avait près de 40 % d’offres d’emploi en plus sur Indeed que le 1er février 2020, date

de référence sur le marché de l’emploi prépandémie.


« Guerre des talents »


Expression inventée en 1997 par le cabinet de conseil McKinsey. Il souhaitait ainsi

décrire les difficultés que rencontraient les entreprises à recruter des salariés qualifiés,

en raison notamment des évolutions démographiques et de la demande croissante de

certaines compétences et expertises. L’offre de candidats étant moins importante que

la demande en postes à pourvoir, les entreprises se livrent « bataille » pour attirer ces

salariés qualifiés et les garder.


La pénurie a changé de camp


En 2022, dans la très grande majorité des secteurs, le rapport de force s’est inversé :

il y a plus d’offres que de candidats. Ces derniers s’en frottent les mains, quand les

recruteurs s’arrachent les cheveux.

« Cette année, nous avons dû embaucher à l’étranger faute d’avoir eu des réponses

en France. Il y a les candidats qui posent des lapins aux entretiens ou qui ne viennent

pas leur premier jour de travail et qu’on n’arrive plus à joindre. D’autres qui, quelques

jours avant de signer leur contrat, veulent tout renégocier : salaires, jours de

télétravail, etc. », décrit Magali Causse, DRH de Logitrade, une PME montpelliéraine

qui gère les achats pour des clients industriels.


Des attentes claires


Pourtant, même si le chômage est à son plus bas niveau depuis 2008 (7,3 % au

premier trimestre 2022 selon l’Insee), le vivier des candidats reste

important. « Beaucoup de personnes en poste expriment une envie de changement.

Nous avons sondé, en mai dernier, 750 candidats, dont les deux tiers étaient déjà

employés dans une entreprise* : 81 % souhaitent changer de poste entre ce printemps

et la rentrée ; 62 % déclarent avoir accéléré au cours des six derniers mois leur

recherche d’emploi ; 53 % se disent en recherche active. Et pourtant, ils cliquent moins

sur les offres d’emploi et postulent peu » observe Laure Domingos, directrice

marketing et communication de CCLD Media RH (conseil en communication RH) et

de CCLD Talents (recrutements).


Mais alors, que veulent les candidats ? Qu’est-ce qui les empêche de postuler ? Un

projet qui ne donne pas envie, une rémunération en dessous du marché, des annonces

mal rédigées et peu attractives, des difficultés à communiquer avec les recruteurs ou

encore des délais trop long de recrutement, répondent les sondés.


Les entreprises doivent écouter


« C’est à la fois sportif, parfois rageant et en même temps très stimulant, car cela nous

pousse à nous interroger sur notre façon de recruter », estime la DRH de Logitrade.

Fini le temps où les candidats devaient s’adapter aux exigences de l’employeur, les

entreprises doivent désormais écouter et répondre aux aspirations des candidats.

Au sein de la PME de Montpellier, Magali Causse, son équipe RH et les managers ont

engagé un travail pour abandonner les vieux réflexes de recrutement. Cela a

commencé par une redéfinition de leurs besoins. « Doit-on exiger au minimum un bac

+ 4 ou +5 pour exercer ce poste ? D’autant plus qu’il partira au bout de quelques mois

car nous ne serons pas en mesure de nous aligner sur ses prétentions salariales. Est-

il indispensable qu’il parle trois langues ? », se sont-ils ainsi demandé. Ils ont aussi

interrogé leur manière d’évaluer les compétences d’un candidat.


« Nous avons commencé un job dating par un match de basket entre managers, RH

et candidats, sans savoir qui était qui, avant de nous retrouver ensuite en entretien.

C’était très enrichissant, cela nous a permis d’avoir une autre approche du candidat

que celle du CV », explique Magali Causse. Les employeurs ayant hier l’embarras du

choix et souhaitant des recrues directement opérationnelles avaient tendance à

sélectionner les candidats ayant occupé exactement le même poste dans le même

secteur, mais chez une société concurrente.


Haro sur les annonces floues


Or « pour convaincre un candidat de quitter son job, il faut lui vendre un nouveau

projet. Par exemple, je vais proposer à un contrôleur de gestion travaillant dans un

cabinet de conseil un poste chez un gros client, ce qui offre une perspective de long

terme », explique Claude Calmon, dirigeant de Calmon Partners Group

(recrutement dans le secteur de la finance).


Les expressions floues comme « super-ambiance de travail », « rémunérations

attractives » ou « belles perspectives de carrière » sont également à bannir des offres

d’emploi ou lors des entretiens d’embauche. « Il faut être précis. Les candidats

attendent des preuves, ils veulent plus que jamais savoir où ils mettent les pieds »,

constate Laure Domingos, de CCLD.


Ils sont aussi moins patients et se soumettent de moins bonne grâce à ces longs

processus de recrutement qui durent des mois au cours desquels ils étaient jaugés

par toute la hiérarchie, même par des responsables avec qui ils ne seraient jamais

amenés à travailler. Pour gagner la guerre des talents, l’entreprise doit se décider vite,

faute de quoi le candidat ira se faire embaucher ailleurs.


Quand le salarié fait embaucher ses relations


C’est la prime de cooptation. Elle est versée au salarié qui recommande une personne

de son réseau professionnel, familial ou amical pour un poste vacant ou en création

dans son entreprise. La prime peut être financière ou en nature (chèque-cadeau ou

voyage). Elle est en général versée une fois que la période d’essai du candidat

recommandé est validée.


Cet outil revêt plusieurs avantages : le candidat recommandé est proche ou du moins

familier des valeurs, de la culture et de l’histoire de l’entreprise. Ensuite, le salarié qui

coopte participe de fait à une décision de l’entreprise. En 2020, selon l’APEC, 44 %

des entreprises ont utilisé la cooptation pour recruter des cadres.

Depuis le début de l’année, les entreprises de services numériques ont revu les primes

à la hausse pour inciter les salariés à leur trouver des candidats. Elles sont passées

d’une fourchette de 500/1 000 euros, à 3 000/4 000 euros.


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